Transition démocratique : Quel rôle pour l’armée ?

Dans les précédents articles parus dans ce même journal nous avons évoqué les trois espaces concernés par la transition par le bas en l’occurrence :

Le premier est  la société politique.

Il s’agit des acteurs qui ont l’ambition de conquérir le pouvoir.

Le deuxième est la société civile qui regroupe les acteurs inédits tels que les associations des droits de l’Homme, les syndicats, les ordres corporatistes ou les acteurs religieux.

Le troisième est le concept de l’État de droit.

Il s’agit principalement des règles qui vont régir le nouveau jeu politique post-autoritaire.

Nous évoquons dans le présent article l’avis scientifique de Linz et Stepan et de Céline THIRIOT  sur le quatrième espace concerné par la transition démocratique par le bas (des cinq arènes) qui est l’État lui-même qui regroupe quelques acteurs qui peuvent nuire ou aider les autres acteurs de la transition, il s’agit notamment de l’armée.

 

Linz et Stepan s’interrogent dans leur ouvrage « Problems of Democratic Transition and Consolidation » sur la place des forces armées dans les transitions démocratiques.

Sur ce point, ils ont fait référence aux « prérogatives » reconnues à l’armée dans le nouveau régime.

Ils les définissaient comme « les domaines dans lesquels, de manière contestée ou pas, les membres de l’institution militaire considèrent qu’ils ont un droit ou un privilège, formel ou informel, à exercer un contrôle ou à jouer un rôle ».

Ces domaines peuvent recouvrir des enjeux directement liés aux questions de défense, mais aussi extérieures à celles-ci : organisation de l’appareil militaire, montant des dépenses militaires, rôle constitutionnellement attribué aux militaires dans le système politique, responsabilités dans la direction des services de l’ordre et des services de renseignement, etc…

 

Les deux auteurs soulignent ainsi qu’un modèle de relations civil-militaire vraiment démocratique suppose une faible contestation par les militaires des choix faits par les dirigeants civils, et une reconnaissance des prérogatives qui leurs sont accordées par les civils.

Ils offrent ainsi une grille de lecture qui va au-delà des seuls conflits entre hiérarchie militaire et gouvernement, pour intégrer la place occupée par l’armée dans le système politique.

De son côté, Céline THIRIOT écrivit dans Cairn. Info, une revue internationale de politique comparée, un article intitulé « la place des militaires dans les régimes post-transition d’Afrique subsaharienne : la difficile re-sectorisation » elle précise que : Les transitions sont la résultante de deux processus combinés : « l’extirpation » et la « constitution ».

Il s’agit non seulement de sortir du précédent régime mais aussi de constituer le nouveau.

Le rôle de l’armée est ici fondamental : « Partout où l’armée reste un acteur cohérent et autonome, les éléments d’extirpation dominent le processus de transition »

Effectivement, notre Armée Nationale Populaire a dominé le processus de transition démocratique dans notre pays entamé par le Hirak depuis le 22 févier 2019 par l’extirpation du régime autoritariste de Bouteflika en mettant toute sa bande hors d’état de nuire.

Mais le processus de la transition démocratique provoque des situations de remise en cause des règles politiques du régime autoritaire, de négociation sur les nouvelles règles du jeu à adopter par tous les acteurs.

De ce fait, cette transition ne se fait jamais contre les militaires, elle se fait au mieux avec.

Dans ce contexte, chaque acteur choisit parmi une variété de stratégies qui ont des conséquences multiples sur la transition démocratique et évite d’entrer en conflit avec les stratégies d’autres acteurs.

D’après Linz et Stepan et Céline THIRIOT, le retrait de l’armée de la scène politique et plus généralement la problématique de la transition se pose donc en termes de prérogatives  à définir.

Ce faisant, les auteurs évoqués ouvrent la voie à une prise en compte des conditions d’élaboration des politiques de défense, voire des politiques publiques en général, et aux rôles respectifs que vont y tenir acteurs civils et militaires dans une transition démocratique.

A bon entendeur…

Docteur Rafik Aloui

 

 

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