Leçons du référendum: L’abstention qui impose réflexion

Le « oui » l’a emporté par 66,8% des voix. Ce taux a été annoncé par Mohamed Charfi, président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), lors d’une conférence de presse ce lundi 2 novembre 2020.

Le taux de participation final s’est établi à 23,7%, selon l’ANIE, un des plus bas  et historique pour un scrutin majeur.

 

A titre de comparaison, lors de la présidentielle de décembre 2019, la participation avait atteint 39,93 %, soit le taux le plus faible de tous les scrutins présidentiels pluralistes de l’histoire de l’Algérie.

 

Seulement un peu plus de 5,5 millions d’électeurs se sont déplacés sur 24 millions d’inscrits. Le grand absent du scrutin, M. Tebboune, est hospitalisé depuis mercredi en Allemagne pour des « examens approfondis » après l’annonce de cas suspects de coronavirus dans son entourage. Son état serait « stable et non préoccupant », selon la présidence.

 

  1. Tebboune a fait de la révision de la Constitution, son projet phare, mais ces élections ont atteint un record d’abstention.

La participation politique s’organise à partir de plusieurs scènes d’expression citoyennes et de plusieurs répertoires d’action : le vote, l’abstention et la manifestation.

 

C’est à partir d’un usage combiné de la démocratie représentative et de la démocratie participative que de plus en plus de citoyens se font entendre.

Il est plus facile aujourd’hui de protester et de se positionner contre que d’adhérer à un système ou à une ligne politiques.

Et dans l’utilisation de ces formes d’expression protestataire, l’abstention occupe une certaine place.

 

Dans ces travaux sur l’abstention, Anne MUXEL – Directrice de recherches au CEVIPOF – IEP de Paris),a pu différencier deux types d’abstention selon leurs caractéristiques sociologiques et selon leur rapport à la politique : les abstentionnistes « dans le jeu politique » et les abstentionnistes « hors du jeu politique ».

 

Les premiers sont souvent, dit-elle : « des jeunes, diplômés et plutôt favorisés quant aux conditions de leur insertion sociale. Ils déclarent par ailleurs s’intéresser à la politique, et peuvent même se déclarer proches d’un parti politique. Ils s’abstiennent sans qu’il s’agisse d’une désaffection politique et se remettent à voter dès qu’ils peuvent à nouveau se reconnaître dans l’offre électorale proposée.

 

Les abstentionnistes « hors du jeu politique » se distinguent par un retrait de la politique, et par une certaine apathie. On les retrouve en plus grand nombre au sein des couches populaires.

Ces absents plus constants de la scène électorale ne se reconnaissent pas dans le jeu politique, ils ont trop de problèmes individuels pour investir la scène collective, et se sentent incompétents.

Mais surtout ils sont davantage porteurs que les autres d’un refus et d’une contestation s’ils se déclarent en plus grand nombre que les autres favorables à un changement complet de société.

 

Globalement, conclut-elle : les « hors-jeu » contestent la société dans laquelle ils vivent. Leur comportement s’inscrit dans une logique de refus du système social comme du système politique».

La première catégorie n’existe presque pas en Algérie, aucun projet politique n’as été jusqu’à présent soumis au vote par les partis.

Seuls les candidats libres aux présidentielles et des révisions de la constitution proposées par le haut,auxquels les partis adhèrent sans se soucier de l’avis de leurs militant.

La seconde catégorie en revanche, représente la majorité du corp électoral chez nous.

La banalisation de l’abstention et sa justification par la pandémie du coronavirus   n’est pas si problématique que Mr Charfi a bien voulu souligner en présentant les résultats.

 

Les États-Unis et la Suisse, par exemple, connaissent depuis longtemps une forte abstention ; ils ne sont pas pour autant remis en cause en tant que grandes démocraties.

Seule l’augmentation significative de l’abstention « hors-jeu » marquerait une vraie crise de la démocratie.

Presque 19 millions d’Algériens hors du jeu politique n’ont pas voté.

Ne devrons-nous pas l’interpréter sereinement en dehors d’une banalisation systématique ?

Cela signifie-t-il un manque de civisme ?

Cette abstention implique-t-elle un affaiblissement de la participation politique ?

Faut-il considérer l’abstention seulement comme une défaillance qui menace la qualité de l’expression démocratique ?

Peut-on comprendre par cela une transformation de l’usage de la citoyenneté et accorder des significations à l’acte de voter ?

Peut-on même l’interpréter comme une forme d’expression politique ?

 

Telles sont les interrogations auxquelles il faut répondre à la lumière des derniers soubresauts de l’actualité électorale.

 A bon entendeur…

 

Docteur Rafik Alloui

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page
Fermer