Crise politique : l’Algérie, un cas unique au monde

 

Par:Dr Rafik ALLOUI 

Le 3 janvier 2020, premier vendredi  de  contestation populaire de cette nouvelle année.

Cela s’ajoute aux 45 vendredis de l’année 2019 durant lesquels le hirak est resté inébranlable sur sa principale revendication pacifique à savoir un Etat de droit libre et démocratique.

 

Contrairement à ce que pensent certains opportunistes, le mouvement populaire de rue en Algérie se suffirait à lui-même pour abolir un système politique oligarchique au bénéfice d’un autre démocratique.

Cela n’a existé en aucun lieu de la planète, jusqu’à aujourd’hui. Le peuple Algérien l’a initié. Il s’agit là d’une révolution horizontale qui sera certainement étudiée par les théoriciens de la transitologie.

 

La transitologie qui est une discipline et domaine de recherche en sciences politiques permet schématiquement de faire la distinction entre les transitions par le haut, pactée, ou par le bas.

 

Nous avons assisté malheureusement jusque-là, à l’application des deux premiers types de transition : une transition par le haut, et une transition pactée.

 

Les transitions par le haut : sont dominées par les élites au pouvoir. Lorsque les élites au pouvoir parviennent à contrôler les modalités de l’ouverture et à imposer leur configuration pour le futur régime, on parle de transition imposée par le haut. Cela maintiendra le même système politique.

 

Les transitions pactées : les élites au pouvoir doivent souvent composer et négocier avec les élites de l’opposition et de la société civile, on parle alors de transition pacte. Cela maintiendra le même système politique car elle engendrera à terme une résistance pour les mêmes effets que la première.

 La première transition par le haut a engendré une élection présidentielle imposée aux dépens même des procédures légales : il semble que la préoccupation majeure de l’organisation des élections présidentielles au plus vite quel que soit le prix, a prévalu eu égard à la situation géostratégique qui prévaut dans la région et les menaces qui en découlent sur notre pays.  Cela pourrait être compréhensible.

 

Mais ce qui est surprenant c’est que la deuxième transition pactée s’est mise en place par la récente nomination du gouvernement issu semble-t-il d’un pacte entre des figures de l’ancien système et quelques éléments nouveaux qui ne représentent guère le peuple.

 

Le rejet de la première transition a été  crié lors du 45eme vendredi et la seconde lors de ce 46eme vendredi.

Le rejet est aussi signifié pour toutes les tentatives de récupérations menées par les assoiffés de vengeance qui jouent aux leaderships et agissent de l’étranger.

 

A ceux qui obéissent à une idiologie menaçant le fondement de la nation. Et à certains qui espèrent se donner une légitimité par la prison d’El  Harrach :

Le Hirak est donc resté en mouvement pacifique horizontal se présentant comme un contrepoids pour imposer une transition où toutes les forces vives de la nation doivent être impliquées pour se mettre d’accord sur les voies  et moyens qui mènent à  une nouvelle Algérie libre et démocratique.

Cela s’appelle , une transition par le bas :

La transition par le bas a été mise en place en 1996 par Juan Linz, qui l’explique à travers l’étude de quatorze cas différents de pays qui ont connu des expériences de transition démocratiques.

C’est donc  un nouveau paradigme d’analyse  toujours axé sur le jeu des acteurs de la transition, mais opérant sur cinq espaces dans l’analyse de la transition qui a réussi à aller vers une réelle démocratie par le bas :

– La première est la société politique. Il s’agit des acteurs qui ont l’ambition de conquérir le pouvoir. Elle se doit d’être renforcée afin d’avoir une transition ordonnée et consensuelle. (Les partis politiques)

– La deuxième qui regroupe les acteurs inédits tels que les associations des droits de l’Homme, les syndicats, les ordres corporatistes ou les acteurs religieux, les étudiants (la société civile)

– La troisième est le concept de l’État de droit. Il s’agit principalement des règles qui vont régir le nouveau jeu politique post-autoritaire. (Révision de la constitution, la loi électorale et les textes d’applications).

Les chercheurs en sciences sociales, sciences politiques, droit constitutionnel, science de gestion et autres disciplines sont appelés à participer activement dans cet espace par leur réflexion scientifique, lors de colloques et séminaires qui pourraient être organisés sous l’égide de nos universités.

– La quatrième est l’État lui-même qui regroupe quelques acteurs qui peuvent nuire ou aider les autres acteurs de la transition (L’accompagnement de l’armée et les forces de l’ordre.)

– La cinquième est la société économique qui regroupe l’ensemble des structures, privées ou étatiques qui ont la mission d’assurer le lien entre les politiques des dirigeants des périodes transitoires et les attentes populaires. (Les patronats étatiques et privés).

Toutes les parties concernées par les cinq espaces doivent engager un dialogue chacun de son côté pour arrêter des propositions concrètes afin d’assurer les conditions de réussite d’une transition pour passer à une nouvelle Algérie libre et démocratique. Principale revendication populaire.

L’ensemble des démarches préconisées seront suivies d’une conférence nationale qui à son tour déterminera les contours d’une transition démocratique consolidée.

Le mouvement populaire en Algérie s’est donc  suffi à lui-même pour faire valoir sa revendication durant plus de dix mois et continuera à le faire de cette manière pacifique jusqu’à l’obtention de sa nouvelle Algérie ; et ce malgré les manœuvres de fait accomplis et les tentatives de récupérations.

Il  s’agit-il là d’un phénomène nouveau, « post-moderne », différent et inédit par rapport aux phénomènes du passé.

A bon entendeur

Dr Rafik ALLOUI 

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