La nouvelle de la semaine : Beyrouth Damas

 

Première partie

Sept heures du matin.

Beyrouth est déjà debout depuis longtemps, en attestent les bouchons qui ralentissent la circulation alors que je suis pressée d’arriver à la gare routière pour prendre l’un des taxis collectifs qui doit m’emmener à Damas.

À Charles Helou Station, située pas loin du port de la capitale libanaise, les chauffeurs de taxi crient à l’adresse des potentiels voyageurs : « 3a Echem, 3a Echem !!! ».

Il m’a fallu du temps pour comprendre que Echem c’est tout simplement Damas. Ici, tous les taxis vont en Syrie, non, en fait quasiment tous. Je viens de remarquer les pancartes collées sur les larges piliers noirs de suie qui informent que les taxis vont en Jordanie, à Tartous, Banias, Al Azdaqiyé, Douma et Hama,.. Ces deux derniers noms de villes donnaient froid dans le dos, il n’y a pas si longtemps.

 

En fait je suis arrivée à Damas à peine un mois après la réouverture de l’autoroute, l’autostrat, Damas Homs séparant Douma de Dhahiyet Al Assad (Al Assad Suburb). Une voie rapide,   fermée depuis le début de la guerre en 2013 et qui était sous le contrôle des milices de l’Etat islamique.

Au niveau d’Al Ghouta Echarqiya. Fouwayleq al rahman et Djeych El islam constituaient les deux groupes majeurs qui faisaient régner la terreur au niveau de cette région à vocation agricole. En fait, Al Ghouta comprend également les localités de Harasta, Douma et Jawbar.

Les bombardements et les raids aériens menés tout récemment par l’armée russe et l’armée syrienne régulière sur cette région en avaient chassé les terroristes de Daech qui y  avaient semé la terreur pendant des années.

A en croire les news diffusés par les chaines d’informations continues, que je regardais sans relâche dès que je regagnais ma chambre d’hôtel,  et les estimations des libanais que j’ai eu à rencontrer dès mon arrivée à Beyrouth, la fin de la guerre en Syrie est proche.

 

Dépité, et en quête de clients en ce vendredi matin tiède en la matière, le chauffeur de taxi, un sexagénaire plutôt bien conservé, décide de me faire la conversation, il insiste sur l’importance des valeurs humaines et des principes moraux en déliquescence chez les Arabes. Il me parle aussi du sens du discernement entre le bien et le mal qui serait également, toujours selon lui en déperdition chez les créatures de Dieu. Il est chrétien en fait. Il décide donc de me parler de Jésus Christ et de la foi chrétienne. Goût du prosélytisme oblige.

 

Beyrout, Rafik Al Hariri International Airport, il est tard, bientôt minuit, l’aéroport grouille de monde, de couples d’amoureux enlacés, de belles jeunes femmes retouchées au botox, de jeunes venus souhaiter à leur ami, à peine débarqué, un joyeux anniversaire,.. Je ne peux qu’être jalouse de voir tant de vie dans un pays qui garde  tous les stigmates, toutes les meurtrissures de la guerre ! Et moi qui suis là toute seule.

Seule à m’être embarquée pour un voyage des plus hypothétiques. Mais Beyrouth me manquait trop, c’est ma ville de prédilection, c’est Ma ville, j’aime tout en elle, son ciel, ses montagnes, sa mer, ses rues surtout le quartier mythique de Hamra et Al Aswaq.

 

Mais entre temps, je suis là avec ma valise à me demander ce que je vais faire en attendant que le jour se lève et que je prenne enfin la route pour Damas. Je décide d’aller manger un morceau et une fois attablée je me suis machinalement attardée sur ce groupe de soldats russes assis pas loin de moi, venus faire je ne sais quoi ici. Au guichet de location de voitures, le préposé à qui je demande s’il est prudent de prendre un taxi la nuit pour me rendre à Damas, me demande à son tour si je voyage seule, puis me répond nonchalamment avec son accent libanais que j’adore : « Ihna bi n’oul, ellil ma blou 3youn » (chez nous, nous disons que la nuit est aveugle ndlr) donc qu’il vaut mieux attendre que le jour se lève pour partir.

Là je suis bien embêtée parce que je n’avais pas prévu de passer la nuit à l’’hotel. C’est la sonnerie du téléphone qui m’a finalement arrachée à mes réflexions. On allait m’envoyer un chauffeur, un ami libanais m’avait réservé une chambre dans un hôtel situé pas très loin de la gare routière où je devais me rendre. Et j’avais droit qu’à cinq heures de sommeil !

 

Ah Beyrouth !!  Fayrouz.. Le pays du Cèdre, le pays de la liberté, de la joie de vivre.. Dans la glace de la salle de bain, je me suis longuement regardée et me suis lancée  toute excitée : « Je suis venue, je suis enfin  à Beyrouth ! »  puis j’ai couru ouvrir les deux portes fenêtres qui donnaient sur deux façades différentes et ai respiré à pleins poumons, l’air de ma ville !

Nina K.

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